Et si c’était le coup du lapin ? Témoignage
2500 jours de combat pour une demi-seconde d’impact
 

Juin 2009 – Le choc
Samedi 13 juin 2009, 13 heures. Conduisant sur une grande artère de circulation urbaine, je me dirige en direction d’un parking couvert où j’ai l’intention d’aller me parquer. Il ne me reste plus que quelques mètres pour arriver à destination, je mets le clignotant, et attends que la circulation en sens inverse se libère pour tourner à gauche.
La journée est splendide et j’admire les montagnes sur ma gauche. Mais soudain … un immense BOUM à l’arrière de mon véhicule ! Le choc et ce qui suit sont si violents et fulgurants que je ne sais même pas si j’ai perdu connaissance quelques instants. Ce que je peux dire, c’est que ma voiture est propulsée sur plusieurs mètres. Pour preuve, je retrouve les deux objets que j’ai déposés derrière le pare-brise sur le siège arrière, et les deux airbags du pousseur ont été actionnés. Malgré le bruit soudain assourdissant à l’arrière du véhicule, je suis dans l’incapacité de comprendre ce qui m’arrive. Il me faut plusieurs minutes pour que je commence à réaliser ce qui se passe.
Choqué, surpris, je sors de la voiture en chancelant. Le chauffeur du véhicule impliqué m’abreuve d’injures en suisse allemand et sa passagère ne manque pas de m’accuser d’avoir provoqué « l’incident ». Au milieu de ce carrefour, je suis et je me sens perdu. « Monsieur » ne veut pas appeler la police. Dans mon état de choc et dans la confusion, j’acquiesce sans sourciller, et c’est ainsi que nous remplissons le constat à l’amiable. Un constat que j’ai rempli partiellement, et à l’envers ! En réalité, mon physique en a pris un sale coup, mais à ce moment-là, je ne le sais pas encore. Ma voiture sera remplacée.
Comme je n’ai pas de blessure visible, ni aucune fracture, et que le sang ne coule pas, je me dis en fin de compte : « ce n’est pas bien grave ». Pourtant, arrivé à la maison, je vais me coucher et reste au lit jusqu’au soir. Le dimanche, je suis invité à une fête de famille et je me tiens à peine debout. Je décide alors de me rendre à la permanence médicale où m’accueille un médecin motard qui me dit avoir été aussi victime d’un accident de moto. Sûr de lui, il me dit que tout ira bien et me propose un arrêt maladie de trois jours. Arrêt que je prends seulement dès le mardi suivant!
Les deux semaines qui suivent l’accident, je me traîne tant bien que mal entre pertes d’équilibre, vomissements et « bien-être » trompeur. 

Juillet 2009 – Que se passe-t-il ?
Au début du mois de juillet, je me rends aux Diablerets pour une visite professionnelle d’une installation solaire. Le trajet s’avère un enfer. Mon collègue prend le volant, car j’en suis incapable. Les vertiges et la vue perturbée m’accompagnent durant tout le voyage. Sur place et sur le chemin du retour, je suis pris de vomissements. Les urgences s’imposent, où on me couche dans un endroit calme et confortable, avant de me transporter par ambulance au CHUV. J’y reste trois jours, durant lesquels je subis divers examens et sans que les médecins ne détectent quoi que ce soit d’anormal. Pourtant, je me sens mal, déstabilisé par des vertiges latéraux et des tensions dans les yeux. Suivent 10 jours de « convalescence », dont une balade en montagne, qui se révèle lente et pénible. Quand finalement, les tensions et les vertiges semblent diminuer et que je m’en réjouis déjà, les symptômes reviennent de plus belle. La joie était de courte durée.

Automne 2009 – aucune lumière au bout du tunnel
À la fin du mois d’août, je vois un ostéopathe titulaire qui diagnostique un état de tensions asymétriques : en effet, au moment de l’impact, ma tête était orientée à 45° par rapport au torse, ce qui signifie que les microdéchirures internes et les élongations sont plus importantes d’un côté que de l’autre et elles perdureront pratiquement jusqu’à la fin de mon chemin de croix. Malgré le nombre de séances, je ne trouve pas de solution « ostéopathique » et pour couronner le tout, les soucis administratifs liés à l’assurance accident font leur entrée fracassante dans ma vie d’accidenté.
En effet, l’inspecteur de l’assurance accident (LAA) traite mon dossier en trois volets : pour commencer, il doute fortement que je sois assuré LAA, et sous-entend pratiquement l’imposture, soi-disant parce que j’aurais repris la SA de mon père au 1er janvier en cherchant à frauder la LAA et l’AVS Ensuite, il me demande pourquoi je ne suis pas allé consulter un médecin dans la foulée de l’accident. Pour terminer, je réalise que j’ai scié la branche sur laquelle j’étais assis puisqu’à l’une des questions d’un formulaire parmi d’autres, j’ai eu le malheur de répondre « ça va mieux » au lieu de « moins mal ». Avec cela, tout le dossier sera faussement interprété. Quand l’inspecteur me quitte, bien que je lui dise que ça ira, un sentiment négatif m’envahit : comment va se dérouler la suite du dossier administratif ? Et je suis plombé par une certitude : en ayant répondu avec honnêteté au questionnaire, je réalise que je suis très mal assuré.

Vais-je mieux ? Aucunement. Ma vie professionnelle commence à en pâtir. Je fais  appel à une secrétaire pour rattraper mes rapports en retard. Assis à mon bureau, je lui donne les consignes et j’ai l’impression que je vais « bien ». Mais aussitôt que je me lève, c’est la catastrophe. Je ne tiens plus debout, ressens le besoin impératif de dormir, mais c’est possible uniquement si je suis couché sur le côté droit en posant la tête sur une main pour réduire au maximum les tensions. C’est la position de confort et de récupération que j’ai adoptée instinctivement dès l’instant du choc.
Je ne sais plus comment continuer. Je me sens démuni, sans solutions. Je me dis même que mourir sur le champ m’aurait épargné toutes ces souffrances.

Une tortue qui remue la tête dans tous les sens :

un objet qui m’a marqué,

puisque j’étais devenu incapable d’en faire autant !
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C’est déjà la fin de l’année. Alors que je suis en route pour une visite client avec ma nouvelle voiture, mon bras gauche se bloque, comme s’il était paralysé. Je m’arrête, j’appelle mon médecin et le médecin de garde. Je fais halte à la première pharmacie ouverte où on me contrôle la pression qui semble normale. Puis le bras « démarre à nouveau ». Le retard dans mon travail s’accumule, je garde courage et me dis que ça ira mieux avec la nouvelle année.

2010 – Balloté d’un traitement à l’autre
J’entame le neuvième mois de calvaire depuis le jour de l’accident. Par moments, j’ai l’impression que je vais bien, mais régulièrement, je dois me déplacer très lentement en m’appuyant sur une barrière ou un autre appui, ou alors je vomis et suis pris de vertiges. Il arrive aussi que je ne supporte plus une activité sociale avec d’autres personnes en raison des vertiges, des tensions dans les yeux, et d’autres symptômes. Bref, tous les actes anodins de la vie quotidienne me deviennent insupportables et j’ai l’impression de devoir franchir des montagnes insurmontables.
Les visites médicales chez divers spécialistes se succèdent.
Je consulte à nouveau mon ORL – qui avait diagnostiqué juste après l’accident une lésion de l’oreille interne - qui affirme que mon état actuel n’est pas normal, mais que les symptômes correspondent au diagnostic. Je réalise que la situation est grave, et le désespoir s’empare de moi. Quel est mon futur ? Je m’engage dans une demande de rente invalidité (AI) et mandate un avocat pour traiter ce dossier. Il me reste peu de forces, et je dois les exploiter pour mon travail.
Un physiothérapeute diagnostique une perte de la synchronisation du système d’équilibre. Mais que faire avec cela ?
Mon dentiste me suggère une approche par la médecine spatiale russe – basée sur le diagnostic terrestre d’un cosmonaute qui « tourne » autour de la terre. Malheureusement, cette méthode ne fonctionne pas chez moi, ni au niveau du diagnostic, ni au niveau de la correction potentielle.
Pourtant et malgré tout, je donne le meilleur de moi-même pour m’en sortir. Mais ce n’est pas gagné. Par exemple, mes tentatives de promenade en montagne avec mon amie se terminent toujours de la même manière : quand je pose un pied au sol, ma tête résonne et mon corps se transforme en immense tambour. Ou alors c’est la coordination du système d’équilibre qui vacille. Je ne vous parle pas ici d’une marche assurée ou d’un footing, ces symptômes apparaissent dès l’instant où un seuil de fatigue est franchi, donc déjà lors de marches au ralenti. Dans ces moments, je dois réfléchir à mes mouvements : placer un pied devant l’autre avec concentration et effort. Je suis alors envahi par un sentiment d’insécurité et d’épuisement.
La fin du mois d’octobre 2010 sonne déjà le glas, presque une année et demie après l’accident.
Le médecin-conseil de l’assurance me convoque et me tient un discours sur l’éventail des symptômes du vieillissement. Et il termine en reconnaissant que je suis bien trop jeune pour ce type de troubles ! Il m’envoie alors à la clinique de réadaptation de Sion, la « clinique miracle ». Je suis bien accueilli, le physiothérapeute voit en moi « son cas » du mois, tandis qu’un médecin externe m’assure que la lésion de l’oreille est résorbée et que tout va bien. Après un séjour de six semaines et un accompagnement médical très professionnel, je rentre. Bien que durant ce séjour, quelques couches de blocages, de tensions musculaires ou nerveuses aient été éliminées, je ne suis toujours pas rétabli. Il me faudra du temps pour comprendre le fonctionnement du corps humain et faire la différence entre un blocage musculaire ou nerveux, et savoir les localiser. Durant cette période, je prends conscience de la puissance de certaines phrases qu’on lance en l’air, comme ça, durant les fêtes : un « Joyeux Noël et une bonne santé » acquièrent dans mon esprit une nouvelle dimension. Je me prends aussi en flagrant délit de jalousie envers des patients qui sortent de l’hôpital sur leurs deux pieds après un séjour en fauteuil roulant: j’ai envie de dire qu’ils sont « chanceux » d’avoir eu des maux visibles, car ils ont ainsi pu bénéficier d’une réadaptation efficace et sérieuse. Avec mon physique sportif, mes douleurs et souffrances invisibles, je me sens parfois comme l’imposteur du coin. Je suis découragé.

Les traitements au CHUV reprennent, ainsi que la physiothérapie, l’acupuncture et l’ostéopathie. Le corps médical me trouve toujours sportif et arborant, selon lui, une bonne mine. « J’ai l’air en forme, donc je suis en forme ». Je suis pris en charge psychologiquement et me fais épauler par un ami pour les tracas administratifs. J’aimerais comprendre pourquoi les médecins disent que je vais bien alors que je me sens mal. J’aimerais pouvoir me défendre face aux assurances. J’aimerais savoir comment agir alors que je me sens comme un canard à la dérive dans son petit étang. Un état d'âme qui s'aggrave lorsqu'un neuro-chirurgien reconnaît que dans mon cas, en raison de micro-déchirures, on ne peut rien faire. Alors que j'aurais dû comprendre "rien faire d'un point de vue chirurgical", je l'ai interprété comme une condamnation de la « médecine globale ». 

2012 – Déjà trois ans – Un début d’espoir  
L’excellent physiothérapeute qui me suit depuis l’accident capitule devant mon cas qui n’avance pas. Il m’envoie ainsi chez son « maître » qui, trouvant mon cas intéressant, me propose rapidement de jouer le cobaye-démonstrateur dans un cours de post-formation pour physiothérapeutes établis. Deux après-midis durant, les participants discutent de la manière d’intégrer mon cas dans la thérapie manuelle Maitland et de la formulation du traitement adéquat. Le résultat s’avère « miraculeux » dès la fin de la première séance. Je me sens « libre », plus léger, avec même une sensation de « vide » dans la tête. La deuxième séance remporte un succès identique. Le traitement n’est pas terminé, mais il m’ouvre la voie au possible rétablissement. Et là, j’ai envie de m’exclamer : « YOUPI » !
Les tensions reviennent quelques jours après la 2e séance. Je prends contact avec l’une des physiothérapeutes qui était présente lors de la formation et un nouveau travail commence.
Entretemps, l’assureur demande une expertise et je me retrouve au CHUV pour un après-midi d’examens. Alors que j’espérais naïvement découvrir une nouvelle voie vers le rétablissement, je fais face à un monde nouveau pour moi, plutôt obscur, celui de la position de la médecine face au pouvoir des assureurs. Je sors de cette série d’examens démoralisé, abattu. Qu’à cela ne tienne, malgré ces mois et ces années en dents de scie, j’essaie de me convaincre que je vais – contre toute adversité - remonter la pente, et que chaque fois que je tomberai, je me relèverai un peu plus. Je veux y croire.

Les progrès en dents de scie avec une pente légère, mais vue positive
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2013 – Les progrès
Une petite année s’écoule avec la nouvelle physiothérapie. Alors que je ressens une amélioration et des progrès, je suis guidé vers une collègue de ma thérapeute dont les approches sont, paraît-il, différentes. Pour mes deux thérapeutes, j’ai subi le coup du lapin et elles sont certaines que je me trouve dans une phase de rétablissement. Elles sont convaincues que je vais y arriver, et que je dois m’armer de patience. J’entretiens mon espoir.

Illustration tirée du journal 24 heures : le bonheur relaxe dans la tête
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2014 – Nouvelle année, nouvelle méthode
Déjà l’été 2014 ! On me propose une autre méthode, tout à fait complémentaire aux deux approches de 2013. Elle consiste en un rééquilibrage global et constitue de ce fait la dernière ligne droite pour moi. Du côté de la LAA en revanche, les nouvelles sont déprimantes : après un examen réalisé par deux médecins-conseils, la couverture se termine et je suis considéré comme vieux et malade. Mon dossier est donc transmis à la LAmal. Bien sûr, à ce stade-là, j’ai juste envie de lancer un grand cri primaire de colère contre l’assurance LAA. Je décide -dans l’adversité et l’injustice - de me battre encore plus pour ma santé. Merci donc à notre assurance maladie de base sans laquelle je n’aurais pas pu continuer à me soigner.

2015 - Six ans déjà, vers un renouveau ?
Tout n’est pas rose tous les jours. Je subis encore les aléas, ou des urgences qui m’obligent à cesser sur le champ mon activité, à me coucher comme un très vieil homme, à dormir et attendre que ça passe. Alors que ma fatigue reste excessive, ma physiothérapeute entreprend une nouvelle technique de reformatage susceptible de l’éradiquer. Ce sera mon merveilleux cadeau de Noël ! Comment fonctionne cette approche ? Le cerveau est reformaté dans un exercice durant lequel on lui rappelle que le haut du trapèze n’est pas un simple bloc de pierre, mais qu’il est constitué de nombreux « muscles, tendons et bidules » autour des vertèbres cervicales, que ces dernières peuvent fonctionner indépendamment les unes des autres, et qu’elles ont chacune leur mission. En seulement quatre séances, mon cerveau réapprend à donner UN seul ordre à UNE seule vertèbre et son environnement à la fois : l’effort pour le cerveau est minime et le résultat pour moi superbe : la fatigue diminue grandement et je jouis enfin du plaisir de pouvoir travailler sans contraintes mécaniques dans la tête. Quel bonheur ! Aurais-je atteint la dernière couche de blocages ? Si c’est le cas, il ne reste plus qu’à sécuriser cet état.

Je souhaite ici dire MERCI À TOUTE LA CHAÎNE DE SOIGNANTS QUI ONT ÉPLUCHÉ LES INNOMBRABLES COUCHES DE BLOCAGES qui ne cessaient de se régénérer et qui ont diminué. Certes, je recouvre peu à peu la santé, mais tout est encore fragile. J’apprends à vivre différemment. Bientôt, la LIBÉRATION !

Un oignon avec une multitude de pelures :

comment les enlever avant qu’elles ne se reconstituent ?
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Les progrès de la médecine
Si l’on considère les progrès de la médecine classique, on peut dire que grâce à l’imagerie médicale, il sera de plus en plus possible de diagnostiquer de nombreux troubles nerveux, neurologiques, musculaires, etc., de trouver les traitements adéquats et d’améliorer aussi de ce fait l’objectivité des assureurs.

Mon message personnel aux lecteurs
Le corps humain est une magnifique machine extrêmement complexe et merveilleuse. Mais la médecine classique ne peut pas tout voir et savoir. Dès lors, il nous incombe de chercher nous-mêmes la bonne approche en fonction de nos symptômes. Bien sûr, il faut avoir un minimum de chance et rencontrer les bonnes personnes au bon moment, au bon endroit, avec les bonnes techniques pour continuer vers le chemin de la guérison. Last but not least, j’ai appris à écouter mon corps, à ne pas me satisfaire du minimum, et au moment voulu à le pousser aux limites de l’acceptable pour lui permettre de me projeter en arrière afin de mieux rebondir vers la prochaine étape, jusqu’à la guérison.

Les méthodes qui m’ont fait du bien et ce que je fais au quotidien
En sus des premiers soins classiques « de base », les approches ciblées suivantes m’ont aidé à retrouver la mobilité, à réduire fortement les douleurs, et à reprendre une vie normale.

  • Maitland – thérapie manuelle, traiter « autour » de la tension
  • SMARTERehab – coordination du système nerveux central et contrôle moteur
  • Niromathé et Bowen - pour remettre « les choses à leur place »

Chaque jour, j’effectue des exercices de réhabilitation proposés par les physiothérapeutes. Je respecte mon corps et ne lui fais jamais subir davantage que ses capacités du jour au risque de me retrouver « cinq étages plus bas ». J’utilise aussi des logiciels d’entraînement des capacités cognitives. Quant aux médicaments, aucun des nombreux essais n’a apporté une esquisse de solution, car le problème était mécanique. Voir un psychiatre peut aussi s’avérer précieux. Il peut jouer le rôle de stimulateur, vous donner des portes d’entrée pour chercher et trouver le chemin à emprunter, vous apporter des explications quant au fonctionnement de notre société.

Encore MERCI à toutes et tous : à la doctoresse de famille, aux spécialistes, aux amis, à la famille, et à tous ceux cités ou non évoqués dans ce texte, mais qui étaient présents.   

À mes lecteurs, si vous êtes accidenté et patient, je vous souhaite un immense courage, n’abandonnez pas, fiez-vous à votre intuition, trouvez les solutions par des chemins alternatifs. Si j’ai trouvé, vous trouverez aussi.  

 

Olivier Bovay
Chexbres, mai 2016

 

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